Blog

Accueil > Blog > Aider les jeunes enfants à expérimenter la détente du corps

Aider les jeunes enfants à expérimenter la détente du corps

A partir de sa pratique de psychologue et de spécialiste en relaxation thérapeutique pour les enfants, Frédéric Groux a mis au point une méthode pour répondre aux interrogations des accueillants sur les tout-petits montrant des signes de tensions, d’hyper-vigilance, de nervosité et d’anxiété. Il ne s’agit pas d’un soin (thérapeutique) mais par la mise en œuvre d’expériences, d’accompagner les enfants dans la détente des muscles de leur corps. Ces temps sont à proposer dès la section des bébés et se pratiquent jusqu’à la section des grands. Les explications de Frédéric Groux, EJE et psychologue en crèche.

En ce moment on parle beaucoup des émotions. Des enfants notamment. Et de la nécessité qu’ils puissent les exprimer et qu’elles puissent être accueillies par les professionnels de la petite enfance. Or les émotions sont intimement liées au corps. C’est pourquoi les expérimentations de la détente proposées ici pourront apporter un plus dans ce travail.
De nombreux enfants, pour diverses raisons ne peuvent ou ne savent pas se détendre. Les professionnels les repèrent dès le plus jeune âge par la raideur lorsqu’ils les portent et par leurs difficultés à s’endormir. Certains troubles somatiques sont associés à l’angoisse ou l’anxiété du bébé comme l’eczéma, le reflux gastro-œsophagien, des problèmes digestifs ou de constipation. Le corps est l’interface entre le monde interne du bébé – émotions, affects ainsi que les pensées – et le monde extérieur. Ce dernier est la découverte des objets qui l’entoure mais aussi les relations aux adultes et aux autres enfants. Il semble évident que la notion de détente du corps influe sur le rapport au monde interne et externe.

Certains enfants sont plus sensibles que d’autres
Par exemple, un bébé qui est rigide/raide aura moins de facilité à passer du dos au ventre. Lorsqu’il devra passer sur le côté avant d’être sur le ventre, son bras qui est du côté du sol le gênera. Il devra soit le détendre pour passer dessus soit le lever pour faire la bascule sur le ventre. Les relations avec les adultes (parents ou accueillants) seront aussi biaisées. Un bébé raide est plus difficile à porter et donc à contenir (Holding). Il renvoie également à l’adulte un sentiment de ne pas être « bon » pour le bébé lorsqu’il se raidit. Les attitudes comportementales dans les soins (Handling) et les paroles seront teintées par cette angoisse masquée.
Au fil du temps, on voit deux formes de comportement chez le jeune enfant. Le premier comportement est celui de l’enfant toujours en mouvement qui ne se pose jamais pour jouer ou pour les activités. Il est en relation avec les autres enfants mais de façon assez maladroite. Il finit souvent en sueur et l’accueillant finira par le stopper pour le calmer. L’autre comportement est celui de l’enfant avec des signes d’insécurité. Il explore peu car il a besoin d’un professionnel pour l’accompagner. Il a tendance à pleurer facilement. Il rentre peu en relation avec les autres enfants. Les enfants avec l’un ou l’autre de ces comportements ont parfois des problématiques autour du sommeil. Ils dorment peu ou se réveillent plusieurs fois. L’endormissement est souvent compliqué. Ils ont besoin d’un adulte pour s’endormir et ils ont du mal à lâcher prise. Ils présentent des signes d’hyper vigilance et le moindre bruit les réveille. Ils sont difficiles à poser dans le lit car vous avez du mal à les dégager de la partie du corps qu’ils ont touchée lors de l’endormissement.

Verbaliser l’endormissement
Les propositions sont à privilégier avec les bébés ayant des signes de tensions ou de raideurs mais il est possible de le faire avec tous les enfants. Si pendant une adaptation, vous découvrez un bébé ou un enfant assez tendu, vous commencerez par cette petite mise en mot. Le principe est simple : un ressenti, un mot pour l’exprimer.
Si vous avez un nourrisson dans les bras pour l’aider à s’endormir, vous mettrez en mots ce que vous verrez. Cela donnera :
– « Tu es dans mes bras, tu as des signes de fatigue car tes yeux deviennent rouges et ton corps s’agite ». Vous toucherez les parties du corps qui s’agite en les nommant.
– « Tu es dans mes bras, je sens ton corps devenir souple et détendu car le sommeil arrive. Tes yeux vont se fermer progressivement et tu vas sentir ta respiration devenir plus lente et profonde ». Vous passerez la mains sur le corps pour lui faire ressentir la souplesse des muscles assouplis. Vous accompagnerez d’une phrase : « Tu sens ton corps qui passe dans le sommeil tout doucement. Tu vas respirer calmement et régulièrement pour laisser ton corps s’endormir. » Vos paroles peuvent être accompagnées de caresses sur le ventre pour montrer le rythme de la respiration.
– « Ton corps sera détendu sur le lit. Pendant ton sommeil, ton corps, tes bras et tes jambes continueront à bouger doucement. Ta respiration sera douce et régulière pendant ton repos. Ton ventre montera et descendra calmement ».
L’accompagnement du sommeil est souvent silencieux et les sensations sont rarement évoquées. L’important, c’est de verbaliser ce moment de vie comme la « colère », la séparation ou d’autres ressentis des jeunes enfants.
Vous accompagnerez de la même manière sur un lit ou sur vos genoux. L’intérêt de cette pratique est de remettre les sensations du bébé au cœur de relation bébé-adulte et non de mélanger toutes les peurs qui sont à la croisée du sommeil des adultes. Les temps du sommeil et de l’endormissement renvoient aux peurs de la mort subite ou de la mort tout simplement. Tous les jeunes parents y pensent.

Si vous êtes détendu, le bébé vous imitera et le sera aussi
Lors des endormissements, certains professionnels ne sont pas à l’aise. Je leur conseille, lorsqu’ils nomment les parties du corps du nourrisson, de ressentir le membre qu’ils nomment. Pour ressentir la décontraction musculaire. Si cela vous semble difficile, vous pouvez penser à un endroit ou une personne que vous aimez. Vous essaierez de respirer calmement et régulièrement. Progressivement, vous allez ressentir une légère sensation dans vos muscles. Certains évoquent : « C’est comme si l’air passe dans les muscles ! » ou « C’est comme si mes muscles se gonflent ! ».
Le rythme des phrases doit être lent et au rythme de votre respiration.
Toutes les sensations seront ressenties par le bébé que vous portez ou touchez par « le dialogue tonique ». Votre décontraction musculaire passera par le corps à corps mais également par le son de votre voix. La prosodie est le rythme et le dynamisme de la parole. Les deux composants du dialogue tonique aideront l’enfant à faire l’expérience de la détente par votre corps et par l’image que vous lui renvoyez.
Vous pouvez aussi faire un jeu de contraction de vos muscles lorsqu’un bébé est calme dans vos bras ou en contact avec votre corps. Vous contractez un muscle et vous le dites à l’enfant.
Vous pouvez lui dire : « Tu sens mon bras ou ma jambe est dur/contracté. Maintenant, tu sens comme elle est différente ? C’est tout mou, souple. ».
Ce petit jeu doit favoriser l’imitation corporelle car les jeunes enfants aiment refaire les gestes des adultes. Dans cette imitation, l’intérêt est d’évoquer les ressentis du corps de chacun. Il est possible de le proposer dès les 8 mois et vous aurez des enfants qui arriveront rapidement à vous imiter par la suite des expériences.

Jeux de boites
Pour aider les enfants à se poser, vous pouvez proposer des boîtes carrées en carton ou en plastique où ils s’assiéront dedans. Les boîtes seront en nombre pour éviter les disputes ou que les autres jeunes enfants entrent lorsque la boîte est déjà occupée. Cette technique consiste à faire prendre conscience du volume du corps de chaque bébé. Vous y disposerez parfois des petits jouets pour qu’ils y découvrent le plaisir de jouer dans les boîtes. Pour les bébés, vous pouvez prendre des boîtes avec des rebords bas pour qu’ils puissent y entrer plus facilement. Pour les plus âgés, les rebords n’ont pas d’importance car souvent les enfants aiment se cacher dedans. Il est possible de proposer des boîtes rectangulaires et de poser des coussins dedans. L’intérêt est de faire comme un couffin afin que les enfants s’allongent dedans quand ils le souhaitent. Il est possible de mettre une couverture également. Quand les enfants auront expérimenté plusieurs fois seuls les boîtes, vous les accompagnerez avec des ressentis corporels sur la contenance ou la détente d’être dans ce petit endroit. De nombreuses établissements de la petite enfance proposent déjà des coins cocooning ou avec des tapis et des coussins. Vous pouvez les compléter des boîtes. Vous serez surpris de voir que les deux « cocons » seront exploités différemment.

Massages et relaxation même pour les plus grands
Pour les professionnels formés aux massages ou qui souhaitent proposer des moments de relaxation, il est possible de faire pendant un petit temps d’environ 5 minutes l’expérience de la relaxation par des massages. Vous disposez des tapis au sol et vous indiquez aux enfants, avec leur accord, de s’allonger. Il n’y a pas d’importance pour commencer par mettre l’enfant sur le dos ou le ventre. C’est lui qui choisira sa position. Puis, vous poserez vos mains de façon symétrique sur les deux épaules en les nommant. Ensuite, vous laisserez glisser vos mains lentement sur les bras, les coudes et les avant-bras et puis jusqu’au bout des doigts. Je vous conseille d’énoncer de cette manière : « Tes deux épaules sont sur le tapis, tu les sens poser. Tes deux bras, tes deux coudes et tes avant-bras commencent à s’assouplir. Tu vas sentir tes épaules, tes bras (en touchant tout le bras) et jusqu’au bout de tes doigts (vous toucherez le bout des doigts) être tout mous ». Pour en faire l’expérience, vous toucherez délicatement la partie du bras qui semble la plus détendue.
Si l’enfant est immobile et accepte, vous pourrez alors faire les autres parties du corps. Vous ferez de la même manière pour les jambes puis vous remonterez vers le ventre et le dos. Vous finirez par le visage : « tes deux yeux, tes deux joues, ton front sont calmes et détendus. Toutes ces choses font partie de ton visage qui est calme ».
Vous terminerez par dire : « tu sens ta respiration qui est douce et régulière. Ton ventre monte et descend (vous poserez la main sur le ventre) tout doucement et tu sens que ton corps (vous nommerez les parties du corps que vous toucherez).
Si et seulement si vous ressentez le jeune enfant être détendu, vous pourrez faire de légers massages sur une partie du corps. Il faut parfois commencer par les doigts ou la nuque en faisant des petits ronds à un rythme régulier et lent. Pour le dos et les épaules, le mouvement doit partir de la colonne vers les extrémités de manière douce. Pour les bras, le mouvement du massage doit aller vers les doigts. Pour les jambes, le mouvement doit remonter vers le tronc. C’est le jeune enfant qui indique le temps et non l’adulte. Il n’est pas nécessaire que l’enfant soit en body. L’intérêt est de le proposer comme une activité. Vous pouvez mettre une musique douce ou tamiser la lumière mais ce n’est pas un nécessité. Il faut prendre en compte votre propre ressenti. Si cela vous aide de mettre de la musique ou de baisser la lumière, faites-le. Il est possible d’utiliser la métaphore de la tartine pour masser les enfants aux alentour de deux ans. Ils décideront ce qu’on fera semblant de mettre sur son corps : miel, beurre, chocolat, etc. Puis, vous direz que vous le tartinez sur la partie du corps en la nommant comme dans l’exemple précédent.
Vous commencerez par un enfant puis, si vous êtes à l’aise, vous pourrez le proposer à deux ou trois en même temps pour utiliser le phénomène d’imitation.
L’activité permet de travailler l’expérience du corps détendu mais également l’expérience du schéma corporel et la notion de conscience de soi.

Taping et bouillotte : pour les tout-petits les plus tendus
Il arrive que certains bambins n’arrivent pas malgré cette méthode à lâcher prise. Il est possible de proposer, en prenant un petit coussin ou un petit nounours, une autre méthode. Le jeune enfant peut être debout ou allongé. Vous tapoterez doucement son dos des épaules vers le bas et de la colonne vers les membres. Si et seulement si tout se passe calmement, vous pourrez alors faire les bras et jambes. Le taping permet de faire l’expérience de la décontraction musculaire de manière physiologique. La répétition du taping met le muscle dans un phénomène de détente. En crèche, les professionnels utilisent souvent le froid pour soigner les bosses et autres blessures. On oublie souvent que le chaud est un myorelaxant efficace. Vous avez certainement tous ressenti les bienfaits d’une douche ou un bain chaud sur votre corps. Nous pouvons utiliser le même principe en crèche. Il suffit de se servir de bouillotte, de poche spéciale à cet usage ou de petite bouteille d’eau. La température doit être celle du corps pour ne pas brûler. Vous poserez d’abord sur la main puis sur une autre partie du corps si l’enfant est d’accord. Il est intéressant si l’enfant est debout de le poser sur les épaules sinon dans la position allongée de lui proposer le ventre.
Il peut être intéressant d’avoir un accompagnement par un psychomotricien lors des séances qui apportera une aide précieuse et d’autres méthodes.

Article rédigé par : Frédéric Groux