La collectivité pour un enfant n’est pas un besoin, en effet, sa première socialisation c’est l’adulte. L’inconscient collectif influence, culpabilise conditionne les représentations individuelles et collectives. Si l’enfant n’est pas accueilli en collectivité, il ne sera pas bien préparer pour l’école. Patrick Mauvais nous explique dans son article que: » la socialisation primaire s’enracine dans la relation avec les parents, en particulier la mère ou l’adulte maternant et repose sur de tout autres bases que celle de l’intégration en collectivité et la confrontation précoce au groupe ».
Nous pouvons rappeler succinctement plusieurs aspects du développement de l’enfant d’après l’expérience “situation étrange” de Mary Ainsworth, les enfants confrontés à l’absence de leur mère mais à la présence d’une étrangère montrent 4 types d’attachement. Le sécure, évitant, ambivalent et désorganisé. Pour qu’il y est une bonne ouverture sociale, l’enfant à besoin d’un attachement sécure. Il doit être capable de transférer son attachement positif avec sa mère sur une étrangère. Cette expérience s’est faite dans les années 50, où l’accueil collectif était peu présent. Ce qui démontre que les premiers liens se font dans un cercle familial et dans son environnement. Mais aussi qu’ils sont importants pour la socialisation de l’enfant car des liens fiables et solides vont permettre un climat suffisamment paisible et stable avec des relations proches, de la qualité et de la continuité de la “bulle” ainsi que la prévisibilité des événements quotidiens.
Depuis la naissance, des paternes d’interaction et de modèle opératoire interne se créent entre le bébé et son entourage. C’est entre 2 et 5 mois qu’il va y avoir la consolidation des liens affectif et relationnel. La création de l’identité de l’enfant dépend de la relation qu’il a avec les parents ainsi que pour l’édification de son unité narcissique primaire et la continuité de son environnement.
Vers 4/5 mois l’intérêt du bébé pour le monde extérieur va s’accroître. Il reconnaît le statut de personne totale, distinct de lui, unique et irremplaçable, ce qui amène à « l’angoisse de l’étranger”. Le bébé à une représentation de ses proches et ses liens avec eux. La vulnérabilité de l’enfant est plus marquée et plus reconnaissable car il dispose désormais d’une riche palette expressive des émotions. Le langage émotionnel est proche de l’adulte mais les moyens moteurs ne permettent pas la proximité avec autrui et peuvent créer des états de détresse durant cette période.
En grandissant, l’enfant passe par plusieurs périodes sensibles. Il se dirige petit à petit vers la séparation et une plus grande sociabilité. Encore une fois, cette évolution dépend de la qualité des liens avec les parents et de leur capacité à l’encourager vers l’individualisation en montrant une émotion de joie et créer une harmonie et un sentiment de sécurité. Sa prise d’indépendance est progressive, elle s’appuis sur la joie d’être ensemble mais aussi le respect de son auto-érotisme. C’est-à-dire sa manière d’être au monde, en tant qu’être à part entière.
Sans surstimulation et dans un environnement propice à sa libre utilisation de ses capacités, l’enfant va continuer ses explorations, travailler sa motricité sensoriel ou encore cognitive. Tous ces éléments permettent à l’enfant d’avoir la capacité à être seul et ainsi participer à sa construction d’un “self” solide.
Le développement émotionnel (respect, empathie…) se construit naturellement et quotidiennement à travers des paroles, des gestes ou encore l’attention mutuelle reçue de l’adulte.
Cette présence de l’adulte permet un processus d’identification inconscient et s’habitue à communiquer avec les autres sans les voir comme une menace.
Pour résumer, la sociabilité chez le jeune enfant repose fondamentalement sur la dynamique des relations avec les adultes et les parents. La socialisation à plus de chance de se réaliser dans une famille dite « suffisamment bonne” sans avoir une expérience ou une intégration en collectivité.
La collectivité pour le très jeune enfant
On attend souvent de la collectivité qu’elle soit vecteur de socialisation pour le très jeune enfant, mais il existe tout de même des risques.
A la maison, des rituels spontanés sont mis en place et le fonctionnement d’une collectivité peut mettre à mal le sentiment de continuité interne chez l’enfant en créant des discontinuités. Ces dernières ne sont souvent pas prisent en compte par les professionnels ou sous estimé. Il y a plusieurs raisons à cette discontinuité que peut ressentir l’enfant. Les allées et venues des uns et des autres, des multiples interventions des enfants mais aussi des protections insuffisantes à la tranquillité des enfants. La discontinuité des soins apportés, les règles d’un groupe ou même le changement d’attitude des adultes peuvent mettre à mal l’enfant. C’est d’autant plus amplifié lorsque le souci de la quantité et la succession des tâches ne permettent pas une bonne gestion du temps pour permettre de donner l’attention nécessaire dans un temps d’accueil de l’enfant.
Lorsque cette situation domine il peut y avoir des risques pour l’accompagnement des enfants. En effet, cela peut amener à mettre à mal la prise en compte des besoins de chacun et tendre vers une pensée collective.
Dans certains cas, le lieu d’accueil peut être considéré comme un milieu que Boris Cyrulnik dit être “anomique” où la volonté de commodité immédiate des adultes crée un sentiment de rivalité chez les enfants qui sont en demande de l’attention de l’adulte. Cette rivalité à pour conséquence de créer de l’agressivité entre les enfants, avec effet de groupe, ce qui amène l’adulte à donner plus de limites et d’injonction, et donc, à un climat de tension et de violence.
Remarque :
Certains préjugés pensent que de mettre des enfants à l’âge de 13 ou 14 mois à la même table durant le repas leur permet de pouvoir être stimulé par les autres à travers leurs compétences sociales et de convivialité. Cependant, il a été remarqué qu’étant pas encore assuré sur le plan postural et moteur ils ont besoin d’un regard sur eux car ils sont trop immatures pour partager la sécurité et l’attention de l’adulte avec les autres enfants. Ce qui crée de l’agitation et peut transformer ce repas en jeu pour que l’adulte s’occupe de lui et finalement subir remontrances sans pouvoir en faire bon usage.
Un autre exemple, avec le pouvoir des objets familiers comme les “doudou”. Il est souvent recommandé pour son efficacité à sécuriser l’enfant. Des observations montrent que s’ils sont effectivement réconfortants pour l’enfant, ils ne suffisent pas à pallier l’insécurité du mode d’accueil pas toujours adéquat. C’est pour cela que parfois, il est utilisé de façon constante sans pour autant lui procurer une sécurité intérieure nécessaire à son bien être.
Ce tableau de la collectivité n’est pas une fatalité, il s’agit ici de rendre compte des faits couramment observés pour ensuite mieux analyser les principales caractéristiques d’une collectivité adaptée aux besoins du jeune enfant et de la socialisation. Quelques points à prendre en compte :
-Avoir des relations stables avec des adultes référents, qui s’occupe de l’enfant d’une façon aussi continue que possible (les soins, les repas, l’attention même à distance…). Cela permet à l’enfant de connaître les rôles de chacun et de savoir ce qu’ils peuvent en attendre,
-Des temps de soins en petits groupes ou individuels qui permettent une bonne communication et une certaine intimité. Cela permet également à l’enfant d’être reconnu dans ses capacités et ses initiatives,
-Un espace d’activité aménagé avec soin ou les objets sont sélectionnés par les adultes afin de s’adapter à tous les âges mais aussi pensé en plusieurs exemplaires,
-Un engagement des adultes dans les soins professionnels en créant une approche émotionnelle tempérée et protégée pour créer le plaisir de l’échange,
-Des règles de vie convenue avec toute l’équipe pour une cohérence constante avec peu d’interdiction ou formulé avec bienveillance pour permettre de soutenir l’enfant et créer un contrôle de ses pulsions. La façon d’intervenir lors d’un conflit est importante pour ne pas créer de précipitation et augmenter la violence mais être dans la recherche de résolution autonome,
-Une observation de l’enfant attentive régulière et partagée à l’équipe. Ce qui permet de très bien connaître l’enfant, ses habitudes et d’ajuster les pratiques selon son développement, ses besoins et son évolution. Il faut donc une transcription et une transmission claire,
-Ce travail de rigueur permet de bien comprendre le comportement de l’enfant qui peut paraître parfois “pénible” ou au contraire l’encourager et faire ressortir ses progrès en l’aidant à saisir la richesse de l’activité proposée et donne ainsi accès à l’émerveillement.
L’observation partagée est importante, c’est un soutien émotionnel pour l’adulte qui permet un meilleur accompagnement et une harmonie entre l’adulte et l’enfant, elle permet également à être plus impliqué envers l’enfant et gérer l’attachement avec une certaine distance tout en gardant la responsabilité avec confiance.
Ce travail est important pour la sécurité affective de l’enfant. Cependant elle est contestée car il y a des exigences avec une adaptation précoce multiple nécessaire.
Pour conclure, ces éléments constituent un environnement humain et matériel sécurisant permet une autonomisation de l’enfant et sa découverte du monde.
Les premiers liens avec les autres se font progressivement. L’attention de l’adulte envers les enfants manifeste un respect et crée une relation harmonieuse solide avec une intégration des règles de vie dans la société.
Synthèse de l’article : « Socialisation précoce et accueil du trés jeunes enfant en collectivité » de Patrick MAUVAIS, Médecine & Hygiène « Devenir » 2003/3 Vol.15, pages 279 à 288, paru dans CAIRN. INFO