Peut-on tout introduire tôt dans l’alimentation des enfants ? Comment éviter les allergies ? Qu’est-ce qui impacte l’oralité des bébés ?… Les professionnels comme les parents se posent encore beaucoup de questions sur la diversification alimentaire et les idées reçues ont la vie dure. Les dernières recommandations [1] de 2017, présentées aux Entretiens de Bichat le 6 octobre dernier [2], font la lumière sur ce qu’il faut retenir. On fait le point sur quelques idées reçues.
La diversification alimentaire c’est entre 4 et 6 mois?
VRAI. Tout le monde sait maintenant que la première année de l’enfant est déterminante dans son alimentation. Et les nutritionnistes considèrent la période entre 4 et 6 mois comme une « fenêtre d’opportunité » pour faire découvrir aux enfants tous les aliments. Introduire des aliments autres que le lait maternel ou infantile avant 4 mois est dangereux car le corps de l’enfant n’est pas encore prêt : sa barrière intestinale étant immature, les antigènes alimentaires (des fruits et légumes) peuvent passer dans le sang et provoquer des allergies de l’eczéma. Une introduction tardive peut également entraîner des déséquilibres nutritionnels. Dès 4 mois, on peut donc introduire tous les fruits et légumes (cuits) au menu de l’enfant, et progressivement tous les autres aliments. De manière générale, il n’y a plus de recommandation spécifique lié à un type d’aliment. Juste des règles de bons sens liées aux capacités digestives du jeune enfant. Par exemple les lentilles ou le chou-fleur n’étant pas des plus faciles à digérer pour lui.
Introduire en début de diversification certains aliments peut entraîner des allergies?
FAUX. Aujourd’hui les spécialistes recommandent d’introduire les aliments à fort potentiel allergisant (œufs, poisson, fruits à coque, arachides) le plus tôt possible pour justement réduire le risque de développer une allergie. Plus les enfants goûtent tôt ces aliments, plus ils sont capables de développer leur tolérance. On peut donc leur proposer comme les autres aliments dès 6 mois, en très petites quantités et de manière répétée en augmentant progressivement les portions.
L’œuf peut être introduit en même temps que la viande et le poisson?
VRAI. La recommandation concernant l’introduction des protéines animales n’a pas changé : à partir de 6 mois la viande et le poisson entrent au menu de l’enfant. Les œufs aussi.
Il faut retarder l’introduction du gluten?
FAUX. Il a été démontré que chez les enfants à risque, l’âge d’introduction du gluten n’a pas d’incidence sur le risque de maladie cœliaque. Il n’y a donc plus de recommandation particulière quant à l’âge et il peut être introduit en petite quantités entre 4 et 12 mois, avec un suivi spécifique pour les enfants à risque.
L’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois couvre tous les besoins nutritionnels?
VRAI et FAUX. Le lait maternel couvre la totalité des besoins nutritionnels jusqu’à 6 mois chez la plupart des enfants. Mais ce n’est pas le cas de tous et certains peuvent souffrir de carences en fer. Si l’OMS recommande l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, il peut- être néanmoins intéressant de commencer en parallèle la diversification alimentaire dès 4 mois. Et si ce n’est pas le cas, il faudra la faire plus rapidement, tant au niveau des besoins nutritionnels que des capacités motrices. Diversifier après 9 mois est beaucoup trop tard, et donc risqué.
La diversification alimentaire doit respecter les besoins nutritionnels?
VRAI. Globalement les lipides doivent couvrir 40% des apports caloriques, valeur qui peut aller jusqu’à 50%. La part de protéines ne doit pas dépasser 15% et il faut rester vigilant quant à la surconsommation du lait de vache. Enfin les besoins en fer de l’enfant sont importants : entre 6 et 11 milligrammes par jour. Mais ces chiffres ne sont pas figés et de nouvelles recommandations précises seront données en 2020.
Si un bébé n’aime pas un aliment, il ne faut pas insister?
FAUX. Pour les raisons citées plus haut, il est essentiel d’introduire un maximum d’aliments au menu de l’enfant dès les débuts de la diversification alimentaire. Si un enfant ne veut pas manger un aliment, on lui repropose à intervalles réguliers et on peut l’habituer à l’odeur, la texture, le nom… Parfois il est nécessaire de faire 10 tentatives avant que l’enfant n’accepte l’aliment. En revanche il est bon de rappeler qu’on ne force pas un enfant à manger, cela serait même contre-productif car il pourrait rejeter durablement l’aliment.
Varier les textures est bénéfique au développement de l’oralité?
VRAI. Après les biberons ou le sein, les bébés doivent s’habituer à l’oralité – manger directement les aliments. Tout comme le goût, la texture des aliments a une influence sur leur acceptation par les enfants. Il est important de leur donner progressivement des repas solides, avec des textures adaptées à chaque âge pour qu’ils puissent améliorer leurs capacités de mastication. Par peur des fausses routes, certains parents ( et même parfois les professionnels) donnent exclusivement des repas mixés aux enfants mais c’est une erreur. Une étude a démontré que les enfants non-initiés aux textures « grumeleuses » avant l’âge de 10 mois auraient à 7 ans un régime alimentaire plus pauvre, une consommation plus faible de fruits et légumes et plus de difficultés alimentaires. Ils risquent aussi de subir des retards de langage et des problèmes d’orthodontie. Dans tous les cas, il faut tenir compte des capacités gastro-intestinales et rénales des enfants et de leurs capacités motrices.
Les produits alimentaires infantiles sont inutiles?
FAUX. Si les produits alimentaires destinés aux enfants sont achetés dans le commerce, ils doivent correspondre à des préparations infantiles. Celles-ci sont en effet soumises à une réglementation européenne stricte (en vigueur depuis 1976 en France) qui garantit leur adaptation aux besoins nutritionnels spécifiques de ce public et la sécurité des aliments utilisés. Si on utilise des produits « tous publics » il est important de les varier le plus possible. Le fait-maison reste évidemment une bonne option, mais encore faut-il bien choisir les produits (notamment les légumes) utilisés pour la préparation des repas. Les carottes par exemple, et en général tous les légumes à bulbe peuvent être bourrés de nitrates. Paradoxalement les produits surgelés peuvent être plus sûrs.
Il faut éviter de donner du sucre aux enfants?
FAUX. C’est l’idée reçue qui irrite le plus certains nutritionnistes ou pédiatres qui considèrent même que c’est « un faux débat ». On évite évidemment les sodas, bonbons, le rajout de sucre dans les laitages… Mais au même titre que les autres aliments (hors légumes et fruits), le sucre peut être introduit tôt – en très petites quantités. Par exemple le chocolat en produit spécifique infantile. En revanche, le miel n’est pas le produit idéal que l’on imagine. On évite de le donner avant un an car il y a encore un risque de botulisme.
Article publié dans « Les pro de la Petite Enfance »- octobre 2017
[1] D’après le document « Complementary Feeding : a Position Paper by the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) Committee on Nutrition »
[2] Lors du symposium organisé par Blédina. Avec la participation du Dr Karine Garcette, gastro-entérologue pédiatre au Centre Médical Spécialisé de l’Enfant et de l’Adolescent à l’Hôpital Trousseau, et le Dr Gérard Pascal, directeur scientifique honoraire à l’INRA et expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS.