Blog

Accueil > Blog > La fratrie, une socialisation dans la rivalité

La fratrie, une socialisation dans la rivalité

La famille est le premier groupe où l’on apprend à trouver sa place. Si la fratrie est imposée, c’est néanmoins en son sein que s’expérimentent négociations, échanges et rivalités. L’enfant apprend ainsi à construire sa personnalité.

La fratrie désigne la relation qu’ont les enfants issus de mêmes parents, le partage d’une ascendance commune. C’est l’ensemble des frères et des sœurs d’une même famille, emprunté au grec (fratria) qui signifie : « subdivison politique et religieuse de la tribu ».

Evolution de la fratrie

La diminution de la fratrie fait partie des changements sociaux de la famille actuelle. Elle s’explique, entre autres, par l’âge plus élevé des parents à l’arrivée du premier enfant, l’allongement du temps d’entrée dans la vie active et la généralisation de l’activité professionnelle de la femme. L’arrivée d’un nouvel enfant dans une famille constitue un bouleversement à la fois social et psychologique. La place du premier enfant au sein de la famille sera à reconsidérer ; ce nouveau statut permettra petit à petit à l’aîné de comprendre l’origine de sa propre naissance. La fratrie se construit avec les parents et la mise en place  des lois qui permettent aux frères et sœurs d’évoluer ensemble. Le projet parental peut construire de façon imaginaire une vision idéalisée de la fratrie. En effet, le mythe d’un traitement égalitaire, d’une entente évidente peut parfois être bien loin de la réalité. Un sentiment d’injustice peut émerger de l’arrivée d’un nouvel enfant. Partager le temps de ses parents avec un autre, avoir l’impression d’être remplacé et que l’amour parental est divisé sont tout autant de ressentis brutaux chez l’enfant. Les liens fraternels s’organisent dans la canalisation de ces diverses pulsions, dans le partage d’évènements familiaux quotidiens et l’autonomisation de chacun des membres.

Trouver sa place dans la fratrie

Faire de la place à l’autre sous-tend une prise de conscience de soi, voire de ses origines pour laisser place petit à petit à l’altérité. Néanmoins, lorsque l’on est un jeune enfant et que l’on a été le centre de toutes les attentions de ses parents, se mettre de côté pour faire de la place à l’autre devient compliqué. Chaque fratrie a un caractère unique de par sa construction, la succession des naissances et le sexe des enfants. A chaque nouvelle naissance, il y a remaniement dans l’ordonnancement de la fratrie et une nouvelle place reste à inventer et à trouver. Chaque frère ou sœur doit acquérir sa propre place et ceci, dans une relation qui met en exergue à la fois la différenciation et la similitude.

Les frères et sœurs ont des origines héréditaires communes, mais n’ont pas choisi de vivre ensemble : ils partagent donc une intimité qui leur est imposée. Cependant, c’est dans cette vie familiale commune qu’ils vont trouver le 1er lieu d’apprentissage des relations sociales. En effet, la famille est le 1er groupe où l’on apprend à trouver sa place ;c’est notamment dans la fratrie que s’expérimentent les 1ers échanges, négociations et rivalités.

La fratrie, premier lien social du cadet

C’est, entre autres, au sein de la fratrie que l’enfant apprend qu’il n’a pas toute la place et qu’il y en a d’autres que lui. Ceci lui permet petit à petit de sortir de l’illusion de la tourte puissance en prenant conscience du fait que le monde n’est pas en son pouvoir. C’est une étape difficile et progressive qui, en « décollant » l’enfant de son narcissisme, va lui permettre d’entrer en relation avec les autres et le monde, le conduire vers la socialisation. La famille constitue donc la 1ière identité sociale de l’individu par la transmission de croyances, de modèles et de valeurs. C’est la socialisation primaire. Les différents membres de la famille constituent des acteurs sociaux et mènent l’enfant vers la 1ière acquisition de son identité. L’enfant est d’autant plus socialisé qu’une relation affective est en jeu et porteuse d’un climat qui permet une grande réceptivité à l’enfant. La continuité des liens développés dans la fratrie joue donc un rôle essentiel dans le développement de l’enfant. A travers des explorations communes, la résolution de conflits et une part d’attachement, cette relation contribue largement à l’élaboration de la socialisation.

La fratrie offre la possibilité d’une « compétition positive », qui aide à savoir qui l’on est. La relation reste cependant subie au sein de la fratrie. Parfois la rivalité, l’envie, la jalousie peuvent être autant de composantes qui maltraitent l’image et l’estime de soi, ainsi que certains phénomènes d’identification comme la relation œdipienne.

La fratrie dans le développement du jeune enfant

La complicité et le partage, la dispute et la rivalité sont caractéristiques de la fratrie. Frères et sœurs construisent leur personnalité dans la rivalité dont l’enjeu principal est l’amour des parents.

L’estime de soi est la valeur positive que l’on se reconnaît en tant qu’individu. Les enfants ne naissent pas avec une image d’eux-mêmes. Ils apprennent à se voir, d’abord et avant tout, à travers les yeux des personnes importantes pour eux : leurs parents, leurs frères et sœurs. L’estime de soi va de pair avec la confiance qui se construit progressivement au fil des années à travers des relations d’attachement et des expériences significatives. L’estime de soi prend sa source dans les relations d’attachements qui suscitent un sentiment de confiance. Ainsi, la relation fraternelle qui ébranle la place de l’enfant qui n’est plus unique est vécue différemment selon l’âge de l’enfant et les outils psychiques dont il dispose. En pleine période œdipienne, par exemple, l’enfant a le désir de se faire aimer par le parent du sexe opposé et se trouve en rivalité avec le parent du même sexe que le sien. La présence de frères ou de sœurs rend ce conflit psychique plus complexe. Cela amplifie la difficulté à partager l’amour de ses parents avec un autre enfant et la compétition est nettement plus éprouvante puisqu’il n’y a pas de différence générationnelle. La problématique œdipienne au sein de la fratrie est un éternel recommencement puisque la sœur peut-être la substitution de la mère et le frère celui du père. Il est indispensable de se responsabiliser et de se poser les valeurs fondamentales de notre société telles que le tabou de l’inceste, ainsi que l’altérité et le respect de l’autre dans une moindre mesure.

La fratrie constitue cependant un tiers qui permet à chaque enfant de  sortir de la relation duelle parent/enfant.

La jalousie est un sentiment qui se réfère à la peur de perdre, à cause d’un autre, quelque chose qui a été gagné. La jalousie est le ciment du narcissisme et de l’image de soi. Elle permet aux enfants de se sublimer, un moteur qui stimule chaque enfant vers la réalisation de lui-même.

Des outils éducatifs au service de la fratrie : le jeu

Pour Piaget, le jeu serait un moyen de s’informer sur les objets et sur les évènements, un moyen pour l’enfant d’entériner les connaissances et le savoir-faire. Au stade sensori-moteur, les enfants jouent en manipulant et en expérimentant, tandis que ceux ayant accédé à la pensée symbolique du stade préopératoire (2-7ans) accèdent à l’abstraction, pouvant prétendre jouer avec un objet alors qu’il n’est pas là par exemple. De plus, par le biais du jeu symbolique, l’enfant tente de maîtriser des situations réelles qui, pour le moment, le dépassent. L’enfant cherche ainsi à avoir une certaine prise sur sa vie en projetant son expérience subjective. Ce sont surtout les conflits affectifs qui apparaissent dans ce type de jeu. De façon générale, le jeu symbolique, peut servir ainsi à la résolution de conflits, mais aussi à la compensation de besoins non assouvis, à des inversions de rôles. Tous les jeux de « faire semblant » sont justement dans le registre de la fonction symbolique. Ainsi, l’enfant peut mettre en scène sa relation fraternelle et se servir de cet exécutoire pour s’inscrire dans les règles et modes de vie imposés par le milieu familial dans lequel il évolue.

Le livre

Les thématiques liées à la fratrie sont multiples dans la littérature jeunesse. Les livres peuvent proposer à l’enfant un reflet de sa vie quotidienne ou un miroir de ses émotions et ses conflits en proposant des solutions pour les résoudre. Mettre des mots pour décrire des évènements, des émotions permet à l’enfant de mieux le repérer et ainsi les mettre à distance en cas de nécessité. Le lien fraternel tout en ambivalence est à la fois rivalité et sollicitude, c’est avant tout une nouvelle place à inventer pour tous, parents et enfants. La fratrie est un lien qui s’impose et qui classifie en donnant une hiérarchie familiale, un lien qui forge une identité dans la similitude et la division, une attention individuelle dans une construction collective.

 

                                                                                                                          Article publié dans les Métiers de la petite enfance – N°132
                                                                                                                Rédigé par Marie Fiorès, EJE, formatrice, responsable d’un jardin d’éveil

 

Pour aller plus loin, quelques livres pour enfants :

Floury MF,Boisnard F. Petit lapin blanc est jaloux, Hachette Jeunesse, 2002
Naumann-Villemin C.Barcilon M. Le tournoi des jaloux, L’école des loisirs, 2003
McBratney S,Jeram A Vous êtes tous mes préférés, Pastel, 2004
Geraghty P. Vaurien et Gredin Affreux jumeaux ptérosauriens Kaléidoscope, 2006.