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La surstimulation du jeune enfant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes actuellement dans une société où tout va vite et dans laquelle chacun repousse toujours ses limites, il s’avère compréhensible de vouloir que les enfants s’inscrivent au plus tôt dans ce que nous adulte percevons comme étant la norme : parler, être propre, compter, jouer à des jeux de logique…Ne pas laisser de place à l’ennui car non-productif !

On sait aujourd’hui que l’enfant s’éveille au monde déjà in utero. L’ensemble de ses sens exposés à un environnement : sonore, tactile, visuel, olfactif…vont lui permettre d’observer et d’apprendre du monde dans lequel il évolue.

Un enfant apprend vite de ce qui l’entoure et s’il est stimulé, c’est-à-dire, un enfant à qui l’on sourit, à qui on parle, avec qui on joue, sera plus éveillé.

Alors pourquoi ne pas continuer à le stimuler ardemment ?

Tout simplement parce que, hormis des soins, des interactions qui suffisent  à sa sécurité affective, des réactions répondant à sa curiosité et une présence, le tout-petit n’a pas besoin de stimulation permanente de la part de l’adulte pour apprendre. Il est expert en termes d’observation, ce qui lui confère de grandes capacités à apprendre, de son environnement comme de nos comportements. C’est la raison pour laquelle, nous devons en tant qu’adulte être vigilant à notre attitude (paroles prononcées, prosodie…) devant et vis-à-vis des enfants. Puisque celle-ci leur tiendra lieu de miroir.

L’enfant s’ennuie rarement. Lorsqu’il est petit, l’observation lui prend une grande partie de son temps et de son énergie. En grandissant, il entre progressivement dans la période des jeux symboliques, autrement dit les jeux d’imitation, d’imagination et les jeux de « faire semblant » (dînette, poupons…). C’est dans ces moments de jeux libres que l’enfant va développer ses capacités, son imagination. Il va détourner les jouets de leur utilisation première (ex : une aubergine va se transformer en perceuse) et va également pouvoir rejouer des scènes qu’il a vécu ou observé. A travers ces jeux, l’enfant s’approprie progressivement ce qu’il voit, il apprend à reproduire ou à questionner certains comportements, il s’exprime physiquement. Il teste également sa motricité, s’approprie son corps, ses sensations et ses émotions.

Le développement psychoaffectif en jeu

Les jeux de l’enfant peuvent nous sembler répétitifs, voire régressifs, d’où certains commentaires d’adultes : « Ce n’est pas de ton âge » ou « tu n’es plus un bébé ». Il ne faut pas oublier que nous leur demandons beaucoup, dans un monde régi par un grand nombre de règles et d’interdits : savoir se tenir correctement à table, rester assis, respecter les règles de politesse, ranger ses affaires, mettre ses chaussures, ne pas courir, ne pas pleurer…Autant d’injonctions, nécessaires à la vie en société mais qui ne sont pas toujours adaptées aux besoins et capacités de l’enfant.

Avant 5 ou 6 ans, la gestion des émotions s’avère très difficile pour l’enfant, son cerveau n’étant pas encore capable de les réguler. Ce qui nous amène à assister parfois à des comportements que nous percevons comme disproportionnés : très forte colère, souvent liées à de la frustration. On parle alors de décharge émotionnelle. En revenant à des jeux de plus petits ou en adoptant un comportement de plus petit, l’enfant ne régresse pas mais s’autorise un temps au cours duquel il ne devra pas répondre à des injonctions de la part de l’adulte. Un temps durant lequel, il fait savoir que, bien qu’il soit capable de nombreuses choses, il est émotionnellement encore petit. On parle alors d’immaturité émotionnelle. L’enfant aime grandir, imiter l’adulte, faire tout seul, ne rien faire…en appréciant revenir de lui-même « là où il en est » et continuer son chemin.

L’enfant n’évolue pas qu’à travers ses apprentissages mais aussi et surtout à travers ses acquisitions. L’un des moteurs de développement des compétences est l’envie de grandir ! Les principaux outils de l’enfant sont : l’observation et l’expérimentation.

Le pilier des comportements futurs de l’enfant va se construire autour du principe de base de l’attachement. Un enfant pour se sentir bien doit avoir reçu l’attention et le soin nécessaires à sa survie et à son évolution. Il a alors construit une relation de confiance avec un ou plusieurs adultes (ses figures d’attachement). Il sait qu’il peut compter sur ces personnes pour le protéger, répondre à ses besoins et l’accompagner dans ses actions. Une fois suffisamment sécurisé, il est en capacité d’observer ce qui l’entoure sans se soucier excessivement de la présence de sa figure d’attachement. Grâce à ses observations, l’enfant apprend de son environnement. Il retient, trie les informations jusqu’à établir des règles et des attendus selon les situations. Plus tard, le tout-petit suffisamment sécurisé se lancera dans une phase d’exploration de ce qui l’entoure, d’abord sous le regard de sa figure d’attachement, puis sans elle. Il prendra alors plaisir à découvrir, tester, expérimenter.  

Les méfaits de la surstimulation

En somme, l’enfant a besoin d’évoluer dans un environnement stimulant sans être sollicité sans arrêt. Il peut connaître des moments d’ennui et on peut le laisser décider de sa façon de jouer, tout en l’accompagnant.
Il peut-être plus bénéfique d’observer l’enfant que d’être acteur de ses jeux. Le risque, à force de trop de stimulations, est de détourner le tout-petit de compétences qu’il est en train d’acquérir dans le but de lui en apprendre d’autres, pour lesquelles il n’est pas encore prêt (ex : attendre de l’enfant qu’il sache compter alors qu’il est en plein apprentissage du langage).

Surstimuler un enfant revient à ne pas lui laisser le temps de devenir expert de ses compétences. C’est prendre le risque d’aller trop vite, de l’exposer à une situation de stress permanent et donc à une fatigue accrue, à un manque de confiance en lui, voire au découragement. Le tout-petit, même en capacité de penser, comprendre, parler et marcher, a besoin de beaucoup de temps et d’énergie pour se construire socialement et émotionnellement. Ainsi, on peut stimuler un enfant en passant du temps avec lui, en verbalisant ses émotions, en lui parlant de ce qui nous entoure, en jouant avec lui….mais n’ayons pas peur de le laisser s’ennuyer, créer, explorer, imaginer, se reposer…

Prenons soin des enfants et offrons leur le choix de ne pas toujours s’inscrire dans la performance. Nous pouvons les soutenir dans leur développement en leur faisant confiance en leurs propres capacités et leur curiosité naturelle du monde qui les entoure.

                                                                                  Résumé de l’article publié dans Métiers de la petite enfance
                                                                                  Séverine RINGOT – Psychologue du développement en crèche